Silas Marner, paru en 1861 deux ans après Adam Bede, constitue un roman didactique relativement court et simple. Il prend place lui aussi au tournant du XIXe siècle dans un cadre agraire que George Eliot s'emploie à restituer avec le même désir de véracité quelque peu nostalgique par rapport aux machines et aux taudis de son époque. On retrouve ainsi un village, Raveloe, au quotidien certes routinier, mais où règnent la solidarité et le goût des joies modestes – sans pour autant voir George Eliot tomber dans l'idylle. Si elle met à nouveau en valeur les vertus et la dignité du petit peuple, elle est sans complaisance au sujet de leurs préjugés et de leur ignorance – de même quant à la gentry dont elle dénonce les mœurs oisives et dissipées.
Au sein d'un endroit retiré où tout le monde se connaît, Silas Marner fait pour sa part figure de marginal résistant à toute tentative d'amitié après les épreuves qu'il a dû subir dans le passé. George Eliot offre à travers lui le remarquable portrait d'un être obsessionnel qui trouve dans l'avarice le seul moyen de contrôler ses angoisses.
Comment les surmonter de façon plus saine ? En ce qui concerne son héros, George Eliot va le confronter à un évènement extraordinaire – je n'en dis pas plus – qui nimbera d'une légère féerie ce qui était placé jusque là sous le signe du réalisme.
De fait, Silas Marner se révélera finalement une fable, une fable des temps modernes, sécularisés, car ce n'est certes pas à Dieu que le tour nouveau pris par la vie du vieux tisserand sera attribué par un auteur ayant lui-même perdu la foi.
Nous avons déjà évoqué ce point dans notre article sur Adam Bede où George Eliot se garde, non seulement de partager ses sentiments sur la religion, mais défend celle-ci.
C'est que, pour George Eliot, adepte du philosophe Ludwig Feuerbach, si le le christianisme constituait une étape dépassée dans le développement de l'esprit humain et de la société, il fallait tenir ses enseignements fondamentaux pour justes, notamment le sens de la fraternité bien plus riche en bienfaits et en joies que ceux que l'on pouvait escompter du culte de l'argent. Ironiquement, de l'or sera usé pour aider le pauvre Silas Marner à le reconnaître...
14 septembre 2014
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