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L'empire d'un seul

Jules César (1599) et Antoine & Cléopâtre (vers 1607) sont deux tragédies de William Shakespeare dont les événements se font suite : ceux qui virent la Rome antique passer du régime républicain au régime impérial.

Dans Jules César pour commencer, Shakespeare conduit une réflexion, nourrie par Le Prince de Machiavel, sur le pouvoir en mettant en scène le conflit millénaire entre l’ambition, telle qu'elle aiguillonne César, et la vertu, telle que l'incarne Brutus.

On considère que cette pièce reflète la crainte de voir des luttes de pouvoir se déchaîner après la mort de la reine Elizabeth à un moment où l’Angleterre devenait une puissance européenne majeure, notamment après sa victoire maritime contre l’invincible armada espagnole.

JULES CÉSAR :
OU LES DEUX OU AUCUN ?

« Notre conduite paraîtra trop sanguinaire, Caïus Cassius, si après avoir tranché la tête, nous hachons les membres, si nous laissons la furie du meurtre devenir de la cruauté : car Antoine n’est qu’un membre de César » répond Brutus à Cassius qui redoute l’affection d’Antoine pour le général glorieux voulant se faire roi.

Dans le cercle des conjurés républicains qui s'est formé contre ce dernier, Brutus se révèle le plus pur de tous. Au cours d’une journée et d’une nuit où se multiplient les phénomènes extraordinaires, lui seul se tourmente à l’idée d’assassiner un homme qu’il aime lui aussi, tout comme Antoine, mais dont il ne peut tolérer les desseins égocentriques.

Brutus espère qu’Antoine s’inclinera devant les motifs moraux justifiant, du moins pour lui, le meurtre de César. Mais, pour autant que les deux hommes aiment César, Antoine l’aime davantage pourrait-on dire comme il désire voir son projet de couronnement se réaliser.

De plus, si Brutus considère Antoine comme un simple « membre » de César, sitôt l'assassinat accompli de celui-ci, il le verra être possédé à son tour par l'ambition d'être le maître suprême de Rome. À cet égard, Antoine lui administrera une leçon ironique et éblouissante de décision quand il retournera complètement la plèbe contre les conjurés républicains par la seule force de la parole.

Par la suite, alors que la guerre éclate entre, d'une part, le nouveau triumvirat composé d’Antoine, du général Lépide, et d’Octave, fils adoptif de César comme Brutus, et, d'autre part, les forces républicaines rassemblées par Brutus et Cassius, le manque d'unité et de vertu minera ces dernières. Brutus le pur se courroucera contre les exactions commises par Cassius qui lui rétorquera, bouleversé, qu'un « un ami ne devrait pas [les] voir ».

Même si devant l'émotion manifestée par Cassius, Brutus laisse alors éclater son amour pour lui, cela n'empêchera pas la cause républicaine, fragile et flétrie par l’assassinat de César dont le fantôme apparaît à son fils adoptif, d'être vaincue dans une consternante confusion...

ANTOINE ET CLÉOPÂTRE :
CLÉO, LE JOUR, LA NUIT

Dans Jules César, ce dernier, avant de partir pour le sénat où il sera assassiné, s’amuse de voir Antoine, homme de débauches, être matinal. Le problème dans Antoine et Cléopâtre est en quelque sorte qu'Antoine n'y parvienne plus.

Alors que la direction du « monde » a été partagée entre Octave, Lépide et lui, Antoine est tombé en effet éperdument amoureux de la reine d’Égypte, Cléopâtre, avec laquelle il s’adonne sans modération à la luxure, négligeant ainsi les affaires politiques. Il faut que le flambeau de la rébellion républicaine soit rallumé par Sextus Pompée, qui contrôle maintenant la Méditerranée, pour l’arracher aux bras passionnés de l'ancienne amante de César et s'en venir à Rome où l'attendent de pied ferme Octave et Lépide.

Maintenant réuni, le triumvirat réussit finalement à s'entendre avec Sextus Pompée en lui offrant de devenir gouverneur de la Sicile et de la Sardaigne. Mais si le « monde » recouvre alors la paix, Cléopâtre apprendra pour sa part avec désespoir qu'Antoine, pour rassurer Octave au sujet de l'avenir, a accepté de contracter une alliance avec lui en épousant sa sœur, la terne Octavie. 

Aux appels de l'amour impérieux de Cléopâtre, Antoine ne résistera pas longtemps toutefois. Laissant derrière lui Octavie, il reviendra en Égypte dont il se fera proclamer, aux côtés de Cléopâtre, le souverain exclusif, tout cela, bien entendu, au courroux d'Octave.

La guerre est de fait déclaré entre les deux hommes – le gênant Lépide ayant été entretemps assassiné sans bruit sur ordre d'Octave – guerre qui verra ce dernier prendre rapidement l'ascendant comme Antoine, l'esprit tout empli de son amour pour Cléopâtre, s'avérera de moins en moins capable d’assumer son rôle de chef militaire jusqu'à provoquer l’effarement de ses compagnons d'armes.

Même les menées sournoises de Cléopâtre, qui redoute à présent la défaite et la honte d'un défilé à Rome, pour se défaire de lui n'y feront rien. Antoine demeurera subjugué jusqu'au suicide par cette reine dont la sensualité orientale agit comme un charme irrépressible sur l’âme martiale des Romains, Octave lui-même n'y étant pas insensible.

Toutefois, Cléopâtre aime véritablement Antoine. Dans le désastre, c’est avec une sorte de surprise que la force de ses sentiments se révélera à elle. Elle se suicidera à son tour non sans se figurer devoir régner avec Antoine dans les cieux...

Si la vision est démesurée (le Panthéon romain comptait déjà sa Vénus), elle marque en tous les cas un triomphe de l’amour purifié par les épreuves et la déchéance sur la soif du pouvoir telle qu'elle anime Octave qui devient finalement seul maître de toutes les parts du « monde » comme l'avait désiré en vain son père adoptif, Jules César. 

BIS REPETITA

Faisons notre moraliste à notre tour. À nous français en particulier, ces deux tragédies pourraient donner l’impression de s’être malheureusement reproduites lors de la Révolution de 1789. Tout y était ou presque. Il n’y eut pas en effet, flattons son ego au-dessus des orages du monde, de deuxième Cléopâtre :

« Nous quittâmes Louis XVI, et par le bordel qui s’ensuivit, nous nous retrouvâmes avec Napoléon Ier. »

24 août 2014 

Shakespeare, c'est ma carte de thé !

 Quelques cartes à collectionner qu'offrait la marque Typhoo en 1937.




25 février 2016