En ce qui concerne la grande gloire britannique qu’est Oscar Wilde, si une sculpture commémore son souvenir, ce n’est point à Londres, sur les quais de la Tamise, mais à Paris, dans le cimetière du Père-Lachaise sous la forme d'un tombeau monumental et perturbant que j'ai eu l'occasion de contempler il y a quelques années sans me douter de la répudiation officielle scellée par lui.
Pour ma part, j'ai découvert le destin tragique connu par l'auteur du Portrait de Dorian Gray à travers la biographie que Daniel Salvatore Schiffer lui a consacrée récemment aux éditions de La Martinière : Oscar Wilde, splendeur et misère d'un dandy, ouvrage se présentant à la façon d'un album photo-littéraire d'un individu haut en couleur et d'une époque certes pas rose.
Comme j'espère le suggérer avec mon assemblage, c'est de façon particulièrement vivante et chatoyante que Daniel Salvatore Schiffer retrace l'existence d'Oscar Wilde, brillant et extraverti dès son enfance avant qu'il ne devienne, au sortir de ses années d'études à Oxford, une célébrité iconoclaste du monde de l'art – se plaisant par exemple à se promener une fleur de tournesol à la main dans les rues blafardes de Londres, centre d'un empire dévoué corps et âme à l'industrie et au commerce.
Tiraillé entre la spiritualité et l'hédonisme, l'ascèse et la liberté, Oscar Wilde crut pouvoir concilier ces contraires sous l'égide de l'esthétisme et du dandysme à l'image avant lui de Charles Baudelaire en France – Daniel Salvatore Schiffer souligne à cet égard l'attrait exercé par notre pays sur Oscar Wilde et ses liens avec quelques-unes de nos grandes personnalités littéraires (Verlaine, Mallarmé, Gide, etc.).
Contempteur des rigidités et de l'hypocrisie de la société victorienne, Oscar Wilde sut s'assurer toutefois autant le succès que les critiques à travers son sombre Portrait de Dorian Gray et surtout ses pièces malicieuses comme L'Importance d'être constant ou L’Éventail de Lady Windermere.
Hélas, Oscar Wilde défiait aussi les mœurs de son époque dans sa vie privée par son homosexualité et, alors qu'elle était proscrite sévèrement par la loi, c'est elle qui devait le perdre subitement quand sa passion découverte pour un jeune et beau rejeton de la noblesse, Alfred Douglas, le vit devoir en répondre devant les tribunaux.
Les documents offerts par Daniel Salvatore Schiffer montrent toute la violence à laquelle Oscar Wilde fut confronté à travers un procès qui fit les gorges chaudes de la presse populaire, en Angleterre de même qu'en France, puis lors de son emprisonnement de deux années dans divers établissements aux pratiques disciplinaires inhumaines comme celle d'une immense roue à faire tourner du pied pendant des heures.
Cette roue que dut faire tourner Oscar Wilde de façon humiliante avant d’achever son existence dans la misère en France aurait de quoi être emblématique pour une société victorienne de la peine et de la résignation – dure, voire sans merci pour les plus faibles et les déviants.
Ce n'est qu'en 1995 que les institutions britanniques ont fini par célébrer la mémoire d'Oscar lors d'une cérémonie tenue au sein de l'Église de Westminster (le Panthéon local) même s'il reste enterré chez nous – avec prudence a-t-on envie de plaisanter : l'Angleterre et Londres arborent peut-être aujourd'hui un air plus avenant et souriant que dans le passé, c'est toujours pour faire tourner d'abord les affaires...
22 juin 2016
Daniel Salvatore Schiffer : Oscar Wilde, splendeur et
misère d'un dandy,
La Martinière, 2014.

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